[RP] Introduction Isawa Yoko : A l'ombre du pinceau

Yoko rentra donc chez elle. En chemin, elle s'octroya le droit le flâner un instant parmis les arbres du temple, des bouleaux au tronc blanc et aux feuilles d'or. L'enfant prit le temps de profiter du silence et du calme qui régnait sous les branches. Elle entendait les prières suspendues dans les arbres.
Après cette petite méditation, Yoko se décida enfin à retourner chez elle.

On lui apprit que sa mère était sortie un instant. Yoko profita donc du calme de la maison pour prendre un bain, jouant rêveusement avec la vapeur de l'eau, avant d'installer dans sa chambre de quoi calligraphier.
Elle se sentait d'humeur à faire un peu de poésie.

Au papillon je propose
D'être mon compagnon
De voyage.

Et alors qu'elle traçait tranquillement ses kanjis sur le papier, une intuition lui vint à nouveau. Attrapant une feuille vierge, elle laissa aller le geste, observant comment le papier de riz buvait l'encre laissée par son pinceau fin. Reposant l'outil à ses côtés, elle souleva la feuille à hauteur de ses yeux, laissant passer les ombres du jardin en transparence. Un sourire immense illumina son visage. Elle le tenait !

Son frère était sorti pour la soirée. Il allait profiter de son retour pour rendre visite à des amis présents dans la cité. Yoko prit le thé avec sa mère. C'était un exercice autant qu'un moment de partage. Le service du thé était un devoir de femme à maitriser sur le bout des doigts. Yoko demanda si elle pourrait sortir travailler le lendemain. Sa mère le lui accorda.

Le lendemain, Yoko s'éveilla à l'aube. Elle avait pris le rythme des jours de préparation. Elle eût le plaisir de ne pas enfiler sa tenue d'élève et de retrouver ses kimonos couleur de printemps.
- Où irez-vous, Yoko-san ?
- Tu peux dire à ma mère que je serai au parc du temple, si on me cherche. Je rentrerai avant le repas.

La jeune fille avait toujours aimé les levers et les couchers du soleil. Dans la cité, ces moments possédaient une saveur particulières. Comme Uona le lui avait suggéré la veille, elle pourrait travailler ses sortilèges avant le genpuku. C'était bien vu et cela renforcerait sa technique.

Les voix étaient toujours là, perchées dans les feuillages luisants du parc. Yoko avait prit l'habitude de leurs mumures incessants et ténus.
Elle s'installa sous les arbres et déplia ses rouleaux pour les relire. Une procession de moine passa sur le chemin comme une trainée de safran. Les invocations, même simples, restaient complexes et structurées et la mémoire de Yoko fut mise à rude épreuve. D'autres gens se promenaient dans le parc, saluant l'étudiante au passage. Un marchand vint la voir pour lui proposer un cerf-volant. Ce genre de commerce était courant aux abords du temple, une partie des bénéfices allait au culte ensuite. Yoko choisi un petit carré de papier muni de rubans brillants. On pouvait les accrocher sur des piliers dans le parc pour décorer les abords du bâtiment. Les jours de grands vent, ces cerfs-volants formaient comme les plumes de la queue d'un Phoenix dans le ciel.

Yoko rentra ensuite, sur la pointe des pieds, car sa mère recevait parfois des visites dans l'après-midi. Elle aurait ainsi l'occasion d'une sieste.
Plus que trois jours...

La jeune fille se frotta les yeux pour reprendre ses repères. Décidemment, ses sommeils n'avaient rien de bien paisibles. Ce dernier lui laissait une impression d'inhabituel. Elle n'avait plus vraiment de détails hormis les yeux rouges. Le reste fuyait chaque fois qu'elle souhaitait s'en rappeler

Elle avait déjà trop dormi et se força à se lever. Pour s'occuper, elle participa au rangement de la maison. Les enfants inactifs se voyaient souvent confier ce genre de tâche pour mettre à profit leur temps libre. Yasue insista pour trier l'intégralité des vêtements de Yoko, ce qui les occupa un bon moment. Tous les kimonos trop enfantins, pastels, aux motifs de jeunes filles, furent mis dans des boites de bois et rangés au grenier. Finalement, sa garde robe s'en trouva très allégée.

- Il faudra vous trouver d'autres tissus, n'est-ce pas Yoko-san ? Un beau rouge vous irait si bien. Il faudra aussi qu'on voit pour votre coiffure
- Nous verrons, Yasue. C'est à ma mère de décider de tout ça. Si elle te demande, dis lui pour le rouge.

Yoko n'avait pas encore envie de parler de ces détails. Ceci fait, l'heure du dîner ne tarda pas, mais puisqu'il faisait très beau les cuisines avaient préparé des grillades. Un parfum d'été précoce flottait dans la maison.
Yoko tournait en rond. Elle aurait voulu que le temps passe et qu'il s'arrète à la fois. Elle renonça à travailler sa broderie et son shamisen. Elle avait déjà trié deux fois ses peignes et ses rubans -ne pouvant garder que les plus neutres- et finit par décider de retourner se coucher.
Le sommeil la suprit sans qu'elle le voit venir.

Yoko se figea. Elle placa ses mains devant sa bouche et tomba à genoux.

- Oh Maître Uona, je suis absolument désolée ! Je...

Comment pouvait-elle expliquer au mieux ?

- J'ai travaillé le matin et en rentrant, je me suis endormie. J'ai fais un rêve si étrange que j'en ai... oublié de venir vous voir.

Et voilà. Alors Yoko, il suffit d'un mauvais songe pour que tu manques à tes devoirs ? Tu avais bien l'impression d'oublier quelque chose hier, non ?
L'incriminée ne savait plus où se mettre.

- Par.. pardonnez-moi.

Yoko se concentra sur son souvenir.

- Je me souviens que c'est arrivé alors que je priais parmis les autres élèves. Je récitais un mantra pour les ancêtres devant les tentures. Brusquement, les paroles ont été balayées de mon esprit. Il est devenu incroyablement limpide, presque vide de tout. Je n'étais jamais parvenue à un tel état, même en méditant.
La voix venait comme de l'intérieur de mon crâne. C'était à la fois une voix et une certitude qui a semblé se graver d'elle même.
"L'Air t'a choisie, jeune Isawa."
C'est ce que j'ai compris, maître. Ca n'avait aucun ton particulier, aucun timbre, pourtant j'ai vraiment senti que cette phrase avait résonné dans ma tête.

- Non, Uona senseï.

Les premières explications du Maître de l'Air étonnaient Yoko mais lui suffisaient pour le moment. C'était donc ça ? Elle ne savait pas si les kamis avaient de bonnes raisons pour  d'adresser aux mortels mais elle faisait confiance à la science de son professeur.

L'école finit par leur indiquer une salle inoccupée pour la journée, à l'étage. La pièce n'était pas grande mais bénéficiat d'une large fenêtre qui augmentait l'impression d'espace. Il n'y avait rien dans la salle, si ce n'est des coussins pour la méditation.

Yoko s'installa assez loin de la fenêtre (il était tentant de s'en approcher mais le vent, les oiseaux et les bruits extérieurs étaient des perturbateurs connu des élèves).
Le rituel était toujours le même : s'asseoir, prendre conscience de son environnement, de son corps puis de sa respiration. Il fallait se focaliser uniquement sur le point de contact entre l'air et la jonction des narines durant assez longtemps pour que les désagréments de la posture ne s'estompent.
Ensuite, Yoko visualisa le prunier du jardin. Celui près de sa fenête. Elle l'observa se balancer lentement dans un rayon de soleil couchant. Il était inutile d'espérer ne pas penser. L'esprit humain n'était pas fait pour cela. Mais on pouvait laisser passer les idées en les regardant duu coin de l'oeil et sans leur accorder trop d'attention. Certains maîtres parvenaient à un état de conscience supérieur, où ils pouvaient se voir eux-même sous forme d'énergie spirituelle, mais cela demandait des années et des années de pratique assidue.
La jeune fille en revint donc à son prunier et focalisa son attention sur le balancement d'une branche. A l'inspiration la branche allait d'un côté, à l'expiration la branche allait de l'autre côté. L'esprit devait être aussi tranquille et flottant que les fleurs de l'arbre. Dans un sens... Puis dans l'autre. Dans un sens... puis dans l'autre.

La jeune fille dévisagea son maître et constata que ses doigts tremblaient compulsivement. Elle sera la main.

- Maître, je l'ai vu, le... l'arbre aux feuilles rouges ! Il était dans mon rêve d'hier !

Les images se bousculaient dans son esprit, aussi tourbillonnantes et explosives que la tornade.

- Il y avait aussi une créature, avec les yeux du même rouge, je...

Trop tard, le souvenir fugace venait encore de lui filer entre les doigts. Yoko était complètement perdue.

- Qu'est-ce que c'était, maître ? Cette voix, encore. Mon prénom... c'était vous ? Elle ?

Le maître de l'Air ne laissa pas le temps à son élève de s'apesantir sur ce qui venait de se passer. Les exercices reprirent de plus belle. Sous l'égide d'Uona qui, malgré sa douceur restait un tuteur sévère et implacable, Yoko parvint à invoquer une tornade sur la terrasse pour la première fois.
Maintenir une telle manifestation de l'Air demandait plus de concentration que Yoko l'aurait imaginé et Uona insista sans relâche jusqu'à ce que le résultat lui paru satisfaisant.
Son élève, de son côté, finit la journée épuisée mais Uona exigea une dernière séance de méditation, bien que l'heure eût déjà sonné.
Avant de se plonger dans ses pensées, Yoko demanda :

-Uona senseï, y a t-il un arbre au feuillage rouge et au tronc blanc dans le bois Isawa Mori ?

Elle tâcha de décrire au mieux le végétal qu'elle avait vu.

Elève et professeur se quittèrent sur ces mots. L'enfant retourna chez elle à pas lents. Le sommeil l'attirait comme un appeau. Plus la semaine passait, plus Yoko accumulait la fatigue. Elle n'osait imaginer dans quel état elle terminerait ces quelques jours.

Kazeageyo invita sa fille à boire un thé sur le pas du jardin, pour s'enquerir de sa journée. Yoko ne savait trop comment lui expliquer ce qui s'était passé. Elle répondit d'une voix douce et un peu lasse.

-Demain, il semble que nous sortirons de la ville, mais je ne sais pas où. Maître Uona m'a demandé de prévoir des provisions. Elle semble aussi penser que j'ai un lien avec un kami. Mais ce n'est pas certain. Nous devons encore travailler là-dessus.

- Je ferai selon les conseils de Maître Uona.

Répondit Yoko un fermant les yeux.

- Mais nous ne savons pas encore de quoi il retourne. Si tel est bien le cas, alors je me plierai à la volonté des Maîtres et à la vôtre.

Yoko regarda sa mère. Fugacement, elle saisit de l'étonnement chez sa mère. Oui, Yoko. Tu grandis.
Le thé fini, sa mère se retira dans ses appartements. Quand à sa fille, elle alla tout bonnement s'effondrer sur son lit. L'aurore n'arriverait jamais assez tardivement.

Elle s'habilla à une vitesse folle. Dieux merci ! Les provisions l'attendaient dans la cuisine avec des chassures de marche. Yoko déboula dehors. A vue de nez, elle devrait être en train de franchir les derniers mètres menant au temple.

- Quelle catastrophe !

Serrant contre elle sa sacoche, Yoko remonta la rue en courant. Elle se demanda si son coeur tiendrait le coup jusqu'à destination. Il faudrait un miracle pour qu'elle y soit à l'heure. N'importe quoi.

S'il te plait gentil kami, kami joli, ami kami, on ne pourrait pas s'envoler un peu pour aller plus vite ? Je vais me faire gronder si fort !

Et Yoko accéléra.

Yoko n'était jamais venue sur ce versant des collines. Elle n'avait pas souvenir d'être allée si loin hors de Kuyden durant son enfance. Elle observa la ville toute entière, en avalant quelques gorgées d'eau qui avait un goût de paradis céleste.

Pour la première fois, Yoko constata que le clan du Phoenix était très enclavé au milieu de ces montagnes. Une seule route menait à Kyuden, au bout de laquelle tronait le chateau éclatant.
Est-ce que toutes les villes de Rokygan étaient bâties ainsi ? Yoko en doutait. La ville du clan bénéficiait d'une situation qui la mettait à l'abri de nombreux danger.

- Nous avons bien de la chance...